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le poète 100 visages
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Couper l'éclat; parer les mots.Qui est N’ego ?
Depuis la publication du premier recueil sur le net, la toile s’agite subrepticement de rumeurs tues, d’hypothèses en devenir, de doutes et interrogations virtuelles sur la personne du poète, du garçon qui n’est personne.
L’auteur passe quand ses écrits restent, dit-on, mais est-ce un gage de vérité ?
Au choix, parmi les propositions suivantes.
_ Ce prête-nom est une mise en scène, l’auteur des poèmes est celui qui anime le site, il a au choix 15 ans, 20, 40 ou 70 ans.
_ Il s’agit d’un adolescent régulièrement interné pour troubles psychiatriques et alimentaires, à qui on a volé ses manuscrits écrits en cure.
_ N’ego n’ a jamais existé, il s’agit d’un collectif organisé en atelier d’écriture qui a recueilli des poèmes de divers participants sous ce nom.
_ N’ego est le nom d’un logiciel oulipien créant des poèmes arbitrairement à l’aide de combinatoires de mots et de constructions syntaxiques séquencées.
Etc.
Bref, si la valeur d’une œuvre se mesure à la quantité des interprétations qu’elle génère, la qualité de l’auteur anonyme, elle, ne s’établit pas à partir de la diversité des suppositions sur son identité « réelle . »
Plutôt que de confondre des annotations biographiques avec des légendes littéraires, voici les faits attestés par des documents que nous pouvons produire.
Les tapuscrits originaux.
J’ai en ma possession les « tapuscrits » qui composent des recueils de poème avec divers titres sous un nom d’auteur identique : N’ego.
Il s’agit de feuilles imprimées, noir sur blanc, au format A4, glissées dans des pochettes plastiques transparentes, reliées dans des classeurs souples de différentes couleurs : noir, bleu, gris, rose, rouge, violet…
(mettre une photo)
Les tapuscrits ne comportent aucune date. Mais nous avons des raisons de croire qu’ils ont été composés dans les années 90 et que le garçon poète appelé N’ego fut adolescent à la charnière des années 80-90.
Nous avons jadis recueilli le témoignage d’un proche qui atteste avoir lu « loin d’ici » en 1994, dans sa version manuscrite dans un cahier de brouillon de petit format à grands carreaux. D’après lui, ce n’était pas le seul, et il n’était pas forcément récent. Vu la facture du poème, qui comporte une tonalité humaniste bon marché et une manière d’adresse moralisante qui disparaîtront vite de l’œuvre, on comprend qu’il n’en ait pas conservé un souvenir ébloui. (voir Babil en Cabale, p. 4 )
Certains poèmes (lesquels ?) auraient été publiés dans des revues aussi confidentielles qu’éphémères diffusées en dehors des circuits professionnels. Je ne possède aucun exemplaire de l’une d’entre elles pouvant l’attester, et à plus de 15 ans de distance les chances d’en voir réapparaître sont faibles. Mais si l’un de vous reconnaît un poème dans une revue de sa possession, qu’il n’hésite pas à me contacter !
On peine à retrouver des traces de l’époque, des références à la chronique dans les textes eux-mêmes. Personne ne pourra faire de N’ego le porte-parole d’une génération tant sa visée est autre – la génération d’une parole qui porte ?
Plusieurs poèmes évoquent assez clairement la drogue.
Ainsi, « Boulette » (Babil en Cabale p .6) désigne aussi bien un papier froissé, une bévue qu’un morceau de résine de cannabis, drogue dont l’usage, sous cette forme, s’est répandu couramment chez les adolescents à cette époque. Les années 90 ont été, certains sont assez âgés pour l’avoir vécu, un revival des années 60-70. Les adolescents se baladaient en pantalons à « pattes d’ef », arborant cheveux longs et lunettes rondes colorées, tout en redécouvrant le rock psychédélique ou les précurseurs du hard rock.
« Des cônes » (même page) emploie une expression familière à cette époque chez les usagers de cette drogue pour désigner le mélange de tabac et de résine émiettée, roulé dans une feuille de papier. C’est donc un synonyme de « joint » ou « pétard », qui souligne la forme de la préparation à fumer.
Etablissement du corpus et élément de poétique.
Les tapuscrits comportent des corrections à la main, mais certaines coquilles sont restées ce qui est dommageable , puisque les effets de sens reposent parfois sur des contorsions d’équilibriste sur le fil des règles de la grammaire et de l’orthographe.
Ainsi la chute « D’un lyrisme exhaustif » (CoupEclat/Paramots, ci-dessous p. 6) « seul en toi/ l’autre / voi -» retranche la décision orthographique pour laisser jouer pleinement l’homophonie qui génère une pluralité de sens : s’agit-il de trouver, « puiser » un chemin, une parole ou au contraire d’interdire ce retour en soi car en toi, tu ne verras jamais, c’est l’autre qui-
Dans le texte suivant, (La Siamoise, p. 7) il faut même accorder une licence poétique pour l’impératif fautif « sais-la » qui permet d’entendre l’injonction déguisée essaie-la dans « cède-là et sais-la »
L’opus que nous donnons à lire ici, comme les références liminaires l’affichent, est sans doute le plus « formaliste » de tous. Les deux exemples que nous venons de donner illustrent bien la citation en exergue de Paul Valéry « Le poème – cette hésitation prolongée entre le son et le sens. »
Le formalisme en littérature et en art désigne des œuvres qui mettraient l’accent sur la forme plutôt que sur le fond. Mais la citation de Jakobson renvoie plutôt au formalisme russe, redécouvert en France dans les années 60.
Il s’agit d’une méthode critique qui entend expliquer l’œuvre par elle-même, l’étudier pour elle-même dans ses liens avec d’autres œuvres du même champ plutôt que d’avoir recours à des éléments extérieurs (histoire, société, biographie…) ou qui la transcendent (les symboles.)
On lira dans les poèmes de CoupEclats_Paramots une tentative de chercher « les mots sous les mots. » Mais il n’y a pas de méthode d’écriture systématique. Comme le dit Todorov des formalistes russes, il faut considérer que les outils de la recherche « formelle » sont en constante élaboration.
Dans « Paraître Céleste » (p.16 de CE/PM), la syntaxe est désarticulée par des effets de sens et d’homophonie.
Enlaçons nos carcasses / Car passe le phonème de guerre /Lasse quiétude / Phénomène /Aguerri aux espaces / Falsifiés / Déifiant les traces/ Frustres qui dépassent/Défaillantes fortifiées/Les frontières fructifiées/ De L’amen rat/Fouillant ses effets/ Défie, définis, touche : tu porte/ras/ton crâne entre tes mains/jointes finalement […]
Le « phénomène » est mis en apposition au « phonème de guerre » (l’identification des deux termes est renforcée par la paronomase) Mais comment savoir s’il est le sujet, plutôt que les « espaces falsifiés », du participe présent « déifiant » ? La subordonnée relative aux « traces » est le lieu d’une tension grammaticale. Dans le complément du nom « frontières » (COD de « dépassent ») on ne sait qui d’amen ou de rat qualifie l’autre, ni lequel « fouille ses effets. »
Or ces deux mots sont orthographiés chacun comme un nom. Mais l’homophone « ras » se fait entendre en détachant, par un passage à la ligne arbitraire, une partie du verbe porter conjugué au futur de l’indicatif. L’aménité du rat peut ainsi résonner, en sourdine, de son côté.
Les ajouts manuels sont parfois plus que des corrections mais cela concerne les œuvres les plus tardives.
S’agit-il d’un « work in progress » ? D’une œuvre inachevée ? Comment savoir ?
Un soin particulier semble mis à l’organisation des recueils, de fait, la numérotation des pages ne correspond pas toujours à l’ordre dans lequel elles sont rangées dans le classeur. Nous avons pris le parti de respecter ce classement plutôt que la numérotation.
Qu’en est-il de l’homme ? Du garçon qui se veut poète ?
Hors verbales, N’ego n’use pas d’images. On ne trouve ni photos, ni illustrations d’aucune sorte dans ses tapuscrits originaux. On ne pourra pas plus écrire sa bio, qu’écrire son CV. Son parcours vital se confond exactement avec son œuvre, elle en est la trace, le témoin – ses restes.
On ne pourra jamais éclairer l’œuvre par la vie, nulle clé d’interprétation biographique, historique ou sociologique ne s’offrira au lecteur. Certains ne pourront pas ne pas tenter de deviner la vie à travers l’œuvre, et de reconstituer des éléments de biographie à partir des textes.
Il ne s’agira jamais que d’hypothèses, voire de projections et d’élucubrations qui n’engageront que leurs auteurs.
On pourra aussi admettre que N’ego n’est pas le problème, nier l’ego de l’auteur comme il le fait lui-même, pour prendre sa place dans le poème en se demandant s’il nous dit quelque chose de notre vie ou s’il témoigne essentiellement d’une autre vie – celle d’un poète ordinaire, d’un garçon banal.
Lundi 26 Octobre 2015 à 09:04
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a posté un article :
Le Babil en Cabale de N'egoS'il fallait parler d'une origine, on dirait que, pour N'ego, c'est ici que tout commence, pourtant, rien dans ces soubresauts textuels, produits par à coups sur des patrons mal-acquis et d'une exécution douteuse ne semble correspondre à l'événement d'une naissance dont le héros sort, nu ou casqué, entière entité extirpée du néant.
L'urgence est ici laborieuse, ignorante, et le lyrisme, gauche ou paresseux. La nécessité n'en est pas moins réelle, même si elle n'est réellement ni héroïque, ni romantique. Le formalisme est lui-même touchant d'être si formel, et tout ce qui tient l'émotion à distance ne recule devant l'expression que pour mieux sauter dans le pathos.
Ne s'agissait-il pas, pour ce garçon poète de nier son ego pour mieux l'affirmer ou se préserver intact à l'abri de la négation? Cette entreprise d'écriture de soi n'en est pas une, son activité ne consiste en aucun profit ni partage, si ce n'est d'un narcisse rêvant de donner la mort à son reflet sans jamais oser y porter la main. Conserver une image sans atteinte, brouillée, chiffrée sans clé de l'autre côté, ni au fond. Ni le miroitement d'une pure surface. Ni la franche aventure exploratrice des possibles de l'être sensible décuplé dans le langage ou la froide disparition élocutoire livrée aux mots (elle viendra après, mais comme un paratonnerre : "paramots" comme il le dira lui-même, pour couper l'éclat.)
Nous voilà donc pris dans le babil de la petite enfance du garçon poète, déjà là comme non né, refusant de naître à lui-même comme poète, et de se vivre comme garçon, encore, peut-être. Désigner sous le terme d'abondance de paroles futiles des mots qu'on a pris un tel soin d'écrire, de consigner dans un disque dur et d'imprimer est au choix un geste de coquetterie ou d'humilité. Elle signe en tout cas la tension qui travaille l'ego en reste du poète qui affiche sa production comme gazouillis, certes, mais aussi comme intrigue voire communication supérieure car "en cabale." Et bien sûr qu'il faut entendre son désir d'échappée, de fuite, de cavale mais comme si il s'y arrêtait lui-même. La confiance du babil qui parle pour le plaisir et non pour dire, est entamée par le désir en cabale qui transpire et conspire, qui manoeuvre ici à chercher du sens là où il n'y en a pas, et à le refuser où il est. Il y a bien quelque chose qui travaille cette écriture mais à quoi, contre qui?
Elle l'ignore sans doute elle-même, ajouterait-on facilement, supposant l'éternelle naïveté de la poésie ignorante de son inspiration.
Mais ne l'écrit-il pas lui-même :
"Mais le but se dérobe, cabalistique
Verve, vireux tel
Une blague baveuse au goût froid de tabac" (Hyperesthésie, p. 17)
L'auteur a-t-il failli? A-t-il feint?
Dimanche 25 Octobre 2015 à 10:20
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a créé une page : grésille
Dimanche 25 Octobre 2015 à 09:26
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